Dessin de Equi jane peinture


Un cheval deux traits


Patrick Cloux

 

Un cheval de trait, quoi de plus sûr,
de plus réel laissé là
à demeure dans un paysage ?
Un instant de vigueur posé au milieu des terres.
Tenu en place, sans laisse, ni fil à la patte
tout à sa statuaire osseuse d’animal
à sa lourdeur, à sa puissance.
Installé pour ne rien changer,
bien au contraire, tout à poursuivre
la longue et lente appropriation
d’un sol contraire.
Porte de chair à nos côtés.

« Mais quelquefois encore,
laissez-nous l’espérer, le grand cheval peint
de nos années d’enfance renaîtra
pour rejoindre de plus larges saisons,
venant sans prendre garde
au-dessus des maisons,
hanter l’abord d’un petit bois d’ardeur
clair, blanc, tremblé, souverain
contre l’emprise idiote de notre vieillissement.
Ceci à grands pas d’innocence,
légèrement voilés. »

Couché sur un tapis de joncs
le cheval va si bien au décor
qu’on le prendrait sans peine
pour, sans même forcer l’image,
l’une de ces chapelles votives
où viennent se réfugier
les joies dépassées et attendries
d’une humanité faite d’attention,
de retenue et de vaine lenteur.
Cela au milieu des terres
face aux souffles contariés des vents.

Sous l’amont, dans la pente,
deux arbres subsistent encore,
vieille forêt des gestes anciens,
épargnée, déjà oubliée, si belle
ainsi réduite à ce jeu photographié
où, tranquilles, paissent nos bienheureux.
Deux d’abord, puis trois ou cinq chevaux
vite ensemble par simple grégarité.
Certains se font prier et traînent
tandis que d’autres, agacés par des souris
fantoches, font trembler leur pelage,
les oreilles couchées, à traquer les oiseaux.