Rosa

une femme de cheval

Retour

Panoramique réalisé par Patricia Corre

 

Marie Rosalie Bonheur, dite Rosa Bonheur, née le 16 mars 1822 à Bordeaux et morte le 25 mai 1899 à Thomery en Seine-et-Marne, est une peintre et statuaire française, spécialisée dans les représentations animalières.
Sa personnalité hors du commun est une des sources d’inspiration de notre esprit-guinguette.
Sa mère Sophie Marquis (1797-1833), née de parents inconnus, est adoptée par un riche commerçant bordelais, Jean-Baptiste Dublan de Lahet.
Quand elle apprendra que Dublan de Lahet était bien son véritable grand-père, Rosa Bonheur se plaira à imaginer que le mystère de ses origines maternelles cache quelque secret d’État et qu’elle est de sang royal.
Son père, Raymond Bonheur (1796-1849), peintre et professeur de dessin, était épris de l’idéal saint-simonien (très ouvert quant au statut de la femme). Il encouragera ses quatre enfants à devenir artistes (en dehors de Rosa, Auguste et Juliette deviendront peintres, tandis qu’Isidore sera sculpteur).
Rosa Bonheur passe toute sa petite enfance au château Grimont (Quinsac), où elle acquiert la réputation d’être un “garçon manqué”. Sa seule passion : les animaux et le dessin.
En 1830, toute la famille est à Paris.
À 14 ans, Rosa rencontre Nathalie Micas (de 2 ans sa cadette, qui deviendra peintre, et inventera un système de freins pour arrêter les trains), avec qui elle vivra plus de 40 ans jusqu’à la mort de cette dernière en mai 1889.
Au 19e siècle, tout artiste voulant être «reconnu» devait exposer au Salon annuel.
Élève de son père, et se révélant très douée, Rosalie est acceptée pour la première fois au Salon de 1841 (elle n’a que 19 ans).
Au Salon de 1844, elle prend le prénom de Rosa.
Au Salon de 1845, elle obtient une médaille de 3e Classe.
Au Salon de 1848 elle obtient une médaille de 1ère Classe (or) ainsi qu’une commande de l’Etat pour réaliser un tableau à thème agraire.
En 1849, ce tableau commandité, intitulé Le Labourage nivernais (musée d’Orsay), obtient un réel succès, mais c’est surtout avec son Marché aux chevaux, (grand format : 5,00 x 2,50 m) présenté au Salon de 1853 et acquis pour 40 000 francs par son agent et ami Ernest Gambart, qu’elle connaît une reconnaissance internationale qui lui vaut d’effectuer des tournées en Belgique et en Angleterre, au cours desquelles elle est présentée à des personnalités telles que la reine Victoria.
Le tableau partira ensuite aux États-Unis où il aura une consécration fabuleuse (il est conservé de nos jours au Metropolitan Museum de New-York).
Rosa Bonheur permit la reproduction de ses œuvres par la gravure, les rendant ainsi abordables à de nouveaux types de publics en Europe et aux Etats-Unis.
Comme toutes les femmes de son temps, depuis une ordonnance datant de novembre 1800, Rosa Bonheur devait demander une autorisation de travestissement, renouvelable tous les six mois auprès de la préfecture de Paris, pour pouvoir porter des pantalons (afin de fréquenter les foires aux bestiaux et abattoirs où elle travaillait l’anatomie de ses modèles et de voyager plus librement) *.
Très jeune Rosa Bonheur a aidé financièrement sa famille et son succès lui a permis de devenir totalement indépendante financièrement.
En 1860, elle décide de quitter Paris et de s’installer à By (Thomery en Seine-et-Marne), où elle fait construire un très grand atelier et un parc avec des animaux de toutes sortes (dont des lions).
En juin 1864, l’Impératrice Eugénie vient lui rendre visite. Cette dernière revient l’année suivante, le 10 juin 1865, pour lui remettre, elle-même, les insignes de Chevalier dans l’ordre de la Légion d’Honneur. Rosa Bonheur devient ainsi la première femme artiste à recevoir cette distinction.
“Vous voilà chevalier, je suis heureuse d’être la marraine de la première femme artiste qui reçoive cette haute distinction”.
Elle sera également la première femme à être promue Officier dans cet ordre en avril 1894 (sous la présidence de Sadi-Carnot).
À l’occasion de l’Exposition universelle de 1889, elle rencontre Buffalo Bill venu présenter son “West Wild Show”, et l’invite dans son domaine, où ce dernier lui offre une panoplie de Sioux.
Au cours de l’automne de la même année, elle rencontre l’américaine Anna Klumpke, elle-même artiste peintre (portraitiste) qu’elle revoit à plusieurs reprises. En 1898, Anna Klumpke vient s’installer à By pour y faire le portrait de la «grande Rosa». Dans ce quotidien partagé, les liens se resserrent et à la demande de Rosa, Anna reste à By, peint et prend sous la dictée les mémoires de Rosa Bonheur.
Rosa Bonheur décèdera en mai 1899, peu de temps avant d’avoir achevé son dernier grand tableau “La Foulaison en Camargue” qui faisait 6 mètres de large (impensable à l’époque pour ce type de représentation) et qu’elle prévoyait de présenter à l’Exposition Universelle de 1900.
Rosa Bonheur ayant fait d’Anna Klumpke sa légataire universelle, sa famille se scandalise mais n’a aucun recours. Anna Klumpke, dans un souci d’apaisement propose de vendre l’énorme collection d’études accumulées en soixante années de travail, et d’en partager le bénéfice avec la famille de Rosa. La vente qui se fit du 30 mai au 8 juin 1900 permit d’obtenir pour plus d’un million de francs-or.
Le testament de Rosa Bonheur est un véritable manifeste “matrimonial” sur l’indépendance des femmes et le droit de se léguer mutuellement des biens (cf. Suzette Robichon “Ceci est mon testament” 2012, éditions iXe).
Après la mort de Rosa, Anna Klumpke fut la mémorialiste et gardienne du temple de Rosa Bonheur. Sa biographie “Rosa Bonheur, sa vie son œuvre”, parue en français en 1908 en France, est une véritable hagiographie de l’artiste.
En 1901, Gambart fera ériger, à Fontainebleau, un monument à la mémoire de Rosa Bonheur, détruit en 1942 (comme plusieurs centaines d’autres, sur ordre de Pétain ).
Peu avant la seconde guerre mondiale, Anna Klumpke regagna les États-Unis et y mourut en février 1942. En 1948, ses cendres furent rapatriées et mises dans la même tombe que celle de Rosa Bonheur et de Nathalie Micas.
Le succès et la réputation de Rosa Bonheur ont été si grands, que la vie non conformiste qu’elle menait (elle portait les cheveux courts, fumait, chassait…) n’a pas vraiment fait scandale, à une époque pourtant très soucieuse des conventions.
Texte rédigé par Mathilde Huet

L’excentrique

 

De 1550 à 1950, peu de femmes étaient reconnues comme des personnes méritant d’être mentionnées. Leur place était au foyer, avec les enfants.  Selon David  Weeks , « il faut beaucoup plus de courage à la femme pour exprimer ses tendances excentriques. Une femme passe pour une furieuse là où l’homme est vu comme dynamique et entreprenant.
Au XIX siècle la question ne se posait même pas. Aurore Dupin, baronne Dudevant , fut  l’une des premières à s’habiller en homme et à prendre un pseudonyme masculin : Georges Sand.

 

D’autant plus troublant,  à ce titre, est le cas de Rosa Bonheur (1822-1899), peintre dont la gloire est plus grande aux Etats-Unis qu’en France, et qui eut l’habilité  de mener une existence à contre-courant de bien des conventions sans jamais faire de scandale.

  1. Une femme artiste.
  2. Une peintre qui au lieu de s’attendrir devant des fleurs, des enfants, des humains, prit pour sujet des vaches, des chevaux, des porcs, des lions
  3. Qui vécut ouvertement sa vie amoureuse avec des femmes.
  4. Qui installa dans le jardin de son château, une foule de bêtes dans une lionne en liberté.
  5. Qui obtint du préfet de police un sauf-conduit spécial pour se travestir en homme.

Il y avait là de quoi choquer.  Au contraire, elle fut honorée, respectée, décorée, comme protégée par son nom magique.

 

Sa première rencontre amoureuse en 1837.
M Bonheur reçoit la commande d’un M Micas qui veut un portrait de sa fille Nathalie, poitrinaire, dont il pense qu’elle va bientôt périr. Coup de foudre entre les deux fillettes, Rosa a quatorze ans, elles ne se quittent plus. Le père de Micas bénit le ménage des deux donzelles avant de trépasser. Rosa prendra alors son indépendance en habitant chez Mme Micas mère de Nathalie. Elles seront séparées  en 1889, par la mort de Nathalie.
Dans les mémoires édifiantes qu’elle dictera à Anna Klumpke, la jeune  Américaine qui prendra le relais auprès d’elle à la mort de Nathalie, Rosa Bonheur note deux traits de son enfance : un goût irrésistible « pour les étables et les écuries et la virilité précoce de son tempérament ».

 

Son père, en lui lisant Lamennais, l’aide à croire en l’existence d’une âme chez les animaux, qui se traduira dans toutes ses toiles, par une extrême attention portée au regard des bêtes.
Rosa Bonheur, afin d’étudier les animaux, doit se rendre aux abattoirs de Paris interdits aux femmes à l’époque, pourtant son statut de femme peintre lui en ouvrit les portes. Elle sera l’une  des  premières  membres féminins de le SPA.
Dans son tableau « Le labourage en nivernais » ce chant d’amour à la nature innocente lui vaudra d’être durablement comparée à Georges Sand.(1804-1876)

 

Avec « Le marché aux chevaux » Rosa voyage en Angleterre avec sa toile, elle y rencontrera Géricault.
« Le colonel Cody » dit « Buffalo Bill » massacreur de bisons est un chaud partisans du vote des femmes. Il veut connaître la peintre des grands espaces. Rosa déplore le sort des Indiens. Buffalo lui fait cadeau d’un superbe costume sioux, d’un arc et des flèches, qu’elle accepte volontiers.
A la suite de cette rencontre très commentée par la presse, Anna Klumpke, jeune artiste et admiratrice américaine, accompagne comme interprète un éleveur de chevaux du Wyoming qui souhaite féliciter Rosa pour le soutien qu’elle apporte à la race percheronne. L’éleveur parti, Anna reste auprès de Rosa pendant dix ans.
Inclassable.

En tout cas, excentrique réussie, n’ayant rien cédé dans l’accompagnement de soi, et surtout femme absolument libre, comme de son ultime toile inachevée, Rosa restera la peintre des « Chevaux ».